Quel regard portez-vous sur la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, un an après sa promulgation ?
Un regard très positif car, même si les acteurs doivent encore s’approprier les nouveautés de la réforme, les premiers acquis sont incontestables.
D’abord, et c’est très important dans le domaine de la formation professionnelle, sur la méthode adoptée, qui s’est totalement appuyée sur le dialogue social et la concertation avec les acteurs (régions, etc.), qui montre notre capacité collective à agir pour réformer en profondeur. Cette concertation permanente avec l’ensemble des acteurs de la formation professionnelle (régions, syndicats de salariés, organisations patronales) sera d’ailleurs inscrite dans nos institutions, à travers les comités régionaux et nationaux de l’emploi de la formation et de l’orientation professionnelles (Cnefop et Crefop). Au sein des branches professionnelles, la nécessité de conduire un travail d’élaboration des listes de formations éligibles au compte personnel de formation a permis aussi de renouveler le rôle des commissions paritaires nationales de l’emploi.
Mais aussi, et surtout, je me réjouis des avancées de la réforme sur le fond. Un an après la conclusion par les partenaires sociaux de l’Accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013, et 10 mois après l’adoption de la loi du 5 mars 2014, un vrai droit personnel à la formation professionnelle est effectif depuis le 1er janvier 2015, et l’effort de formation des entreprises est redevenu ce qu’il aurait toujours dû être : un investissement pour la performance et pas un exercice imposé. Dernier élément que je souhaite souligner en première analyse, le cadre de gestion des fonds de la formation professionnelle est rénové, en apportant de la transparence et de la simplicité pour les entreprises et en réformant le cadre de la démocratie sociale.
L’un des enjeux de la loi du 5 mars 2014 est de rendre accessible la formation aux publics qui ont besoin d’une formation qualifiante. Comment vous assurez-vous de l’atteinte de cet objectif ?
Le compte personnel de formation ne sera ouvert, outre le socle de compétences, qu’à des formations qualifiantes, par principe. C’est un levier considérable de reconfiguration de l’offre de formation, et d’accessibilité à tous les publics à la formation qualifiante.
Plus particulièrement pour les demandeurs d’emploi, pour qui la période de chômage doit pouvoir constituer un temps d’investissement en compétences, nous avons été volontaristes dans le travail mené avec les partenaires sociaux dans le cadre du Fonds partiaire de sécurisation des parcours professionnels. Dans le cadre du plan chômage de longue durée que j’ai présenté le 9 février, ce sont 220 millions d’euros qui ont été prévus à ce titre. Les acteurs du service public de l’emploi se mobilisent pour que ces crédits puissent venir abonder les comptes personnels de formation des demandeurs d’emploi dans les prochaines semaines.
Au sein même de l’entreprise, l’effort sera rééquilibré. La loi favorise l’accès à la formation des salariés des TPE et PME, souvent moins bien lotis que ceux des grands groupes. Le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels a vu ses missions renforcées pour soutenir l’effort de formation dans ces entreprises de petite taille. Pour 2015, une enveloppe de 166 millions d’euros a été prévue à cet effet.
À quelles conditions la réforme réussira-t-elle ?
Le cadre est désormais posé pour l’essentiel, même si des éléments réglementaires sont encore en cours de finalisation. Ce sont maintenant les acteurs – individus, formateurs, prescripteurs, financeurs, employeurs – qui doivent se saisir des nouvelles opportunités de la réforme de la formation professionnelle. Avec le compte personnel de formation et le conseil en évolution professionnelle, il faut que les salariés et les demandeurs d’emploi soient, désormais, davantage maîtres de leur parcours de formation. C’est une petite révolution, qui peut demander du temps, et qui suppose que les actifs soient plus acteurs et autonomes dans leurs démarches. La disparition, dans les entreprises, de l’obligation de dépenser au profit d’une obligation de former, doit amener les employeurs à assurer une liaison très étroite entre stratégie d’entreprise, management des individus et politique de formation. L’entretien professionnel est à ce titre un outil qu’il faudra pleinement intégrer dans la gestion des ressources humaines. Les organismes de formation doivent quant à eux faire évoluer leur offre de formation pour profiter des nouvelles opportunités offertes par la réforme, qui favorise ceux qui proposent des formations de qualité, à visée certifiante, et correspondant aux besoins des entreprises, des branches et des territoires. J’observe d’ailleurs que les représentants des organismes privés de formation ont globalement bien accueilli ces avancées, car elles amènent le secteur à faire des avancées depuis longtemps considérées comme nécessaires par beaucoup.
Enfin, les régions, les branches professionnelles et les partenaires sociaux vont pouvoir travailler encore plus ensemble à la mise en œuvre de projets communs et ambitieux, au plus près des territoires, dans le cadre d’une gouvernance rénovée. Je vois déjà au niveau national que nous travaillons différemment sur des chantiers tels que la définition des critères de qualité, ou encore les listes d’éligibilité au compte personnel de formation.
Comment faire pour que les actifs s’emparent du CPF, contrairement au droit individuel à la formation, qui n’a jamais connu le succès espéré ?
Les résultats dans l’utilisation du Dif ont été décevants – moins de 5 % des salariés l’ont utilisé – mais s’expliquent pour beaucoup par des « vices » conceptuels. Par rapport au Dif, le CPF comporte cinq avantages essentiels : il est universel (chaque actif se voit ouvrir un compte dès 16 ans), il est parfaitement transférable (les heures sont acquises définitivement par la personne), il permet d’accéder à une formation qualifiante et certifiante, il est financé par des prélèvements spécifiques, enfin il relève de la seule initiative de son titulaire. Pour modifier les pratiques et le rapport à la formation, il faut que ce nouveau droit soit connu et pour ma part je lancerai une campagne de communication dans les semaines qui viennent. Mais déjà, le nombre de CPF ouverts à ce jour est un encouragement et marque un intérêt, au-delà de la curiosité suscitée par ce nouveau droit. À ce jour, près d’un million de comptes sont ouverts.
Quand vont être publiés les derniers décrets d’application de la loi, en particulier celui relatif à la qualité de la formation, très attendu par les acteurs de notre champ ?
Le principal texte qui reste devant nous est le décret définissant les critères de qualité des formations qui s’imposent aux principaux financeurs d’actions de formation. Il était important de prendre le temps de la concertation sur ce texte, qui acte une avancée majeure. Le projet de texte est en phase de transmission au Conseil d’État et sera publié d’ici quelques semaines. La suite de mon action sera très largement orientée sur l’objectif d’amélioration qualitative de l’offre de formation.
Même question concernant le décret relatif à l’éligibilité du compte personnel de formation et à l’accompagnement à la VAE.
Il n’y a pas besoin de texte supplémentaire, l’accompagnement à la VAE est d’ores et déjà éligible au compte personnel de formation. Et le compte personnel de formation, en poussant à la modularisation des titres et des formations – c’est notamment le cas des titres du ministère de l’Emploi, avec un engagement fort de l’Afpa en termes de réingénierie des formations et des titres – va très probablement encourager également le recours à la VAE.
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